Texte de Christiane

Lu à la présentation de Lorraine Vaillancourt

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 11 juin 2016


Le 23 septembre 1947, les feuilles des arbres renoncent à voler comme chaque automne, incapables de rivaliser avec les partitions que fait danser le vent dans le ciel d’Arvida. Et pour cause, le couple Vaillancourt-Gagnon parent de Jean-Eudes futur pianiste et chef d’orchestre, de Pauline, future soprano, conceptrice et metteure en scène, accueille Lorraine, future pianiste et chef d’orchestre.


D’abord voyageur de commerce, puis employé à la Régie des Rentes, Jean-Paul Vaillancourt ardent défenseur de la langue française, se passionne pour les arts, le théâtre, la musique. Il dirige la chorale de chant grégorien de l’église Saint-Dominique de Jonquière. Sa compagne, membre de sa chorale, Gérarda Gagnon, éveille plus qu’elle n’endort ses 4 enfants de sa voix de soprano. Dans cette ambiance musicale, Lorraine ne s’interroge même pas sur son avenir. Elle avance sur les portées musicales, avec pour sésame les clés de sol, de fa et d’ut, ouvrant les portes du Conservatoire de musique du Québec pour étudier le piano avec Hélène Landry. Elle suit des cours d'ondes Martenot avec Jeanne Loriod, le piano avec Yvonne Loriod et Anne-Marie de Lavilléon-Verdier. Elle apprend la direction d’orchestre avec Syvio Lacharité, fondateur de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke et Pierre Dervaux de l’École normale de Paris. Elle parfait sa formation auprès de Serge Garant et du compositeur Bruce Mather auquel elle succède en 1974 à la direction de l’Atelier de musique contemporaine de l’Université de Montréal où elle a été titulaire à la Faculté de musique jusqu’en avril 2016.


Formation et représentations vont de pair pour cette artiste. En 1965, elle joue en duo avec son frère Jean-Eudes pour la radio, la télévision ou des tournées de concerts. De 1972 à 1975, elle travaille à l’Atelier-laboratoire fondé par Robert Léonard comme responsable de création d’œuvres de jeunes compositeurs québécois. La musique contemporaine est son credo. Sans rien renier aux musiques dites classiques, lesquelles ont inévitablement été la musique contemporaine de leur époque, Lorraine Vaillancourt plaide pour les compositeurs de notre temps. La petite fille qui rêvait d’aller au bout du monde pour sauver les malheureux existe bel et bien dans le cœur de cette femme déterminée à défendre nos John Rea, Gilles Tremblay, José Evangelista, Alexina Louie ou Isabelle Panneton. « La transmission est essentielle si on veut constituer un répertoire qui sera repris par d’autres, » déclare-t-elle lors d’entrevues, convaincue de l’importance de faire entendre la musique moderne à nos jeunes artistes. « Le très grand compositeur allemand Karlheinz Stockhausen est mort en décembre 2007. Qui en a parlé? », s’insurge-t-elle auprès du Devoir, déplorant le manque de curiosité des médias, dénonçant une époque de marketing qui comptabilise selon les règles du marché sans égard à l’apport artistique. Regrettant que le public soit privé de « la découverte d’un monde nouveau et d’une expérience sensorielle totale. Car il y a de la sensualité, de l’humour, de la vie dans cette musique. »


Une musique qu’elle a longtemps partagée avec le regretté musicien Robert Léonard, père de sa fille Sophie, aujourd’hui responsable des communications et développement de public au théâtre Périscope à Québec. Une musique qu’elle partage encore avec son conjoint Jacques Drouin, pianiste et membre de l’orchestre, Nouvel Ensemble Moderne, qu’elle a fondé en 1989. Ensemble voué à la musique contemporaine du Canada, réunissant 15 musiciens, pour un répertoire de 125 œuvres qui a produit 24 albums. L’Infatigable Lorraine Vaillancourt, créatrice de la revue nord-américaine Circuit, participe à la fondation des Évènement du neuf qu’elle dirige dans plusieurs pays (Italie, Angleterre, France et plus). Chef invité de tous les continents, pour diriger des œuvres du XXe et XXIe siècle, elle use de sa baguette pour les Orchestres symphoniques de Montréal, de Québec, ou les Orchestre Métropolitain de Montréal, Lyon, Les Percussions de Strasbourg, l’Ensemble Sillages de Brets et autres orchestres philharmoniques à Nice, à Canne, à Turin, à Lisbonne. Et si ce n’était pas assez, elle y ajoute deux livres : La musique aujourd’hui dans tous ses éclats et Points de départ.


Lauréate à huit reprises du Prix Opus du Conseil québécois de la musique, son enregistrement de la musique du compositeur Hugues Dufourt jouée par les Percussions de Strasbourg est honoré par le Grand Prix Charles-Cros. Docteur honoris causa de l’Université Laval depuis 2013, récompensée deux fois par le Prix du Conseil des arts de la communauté urbaine de Montréal, elle est membre de la Société royale du Canada et, depuis 2014, Membre de l’Ordre du Canada en reconnaissance de son apport important à la musique contemporaine.


L’impressionnante carrière de Lorraine Vaillancourt a pris sa source dans une région réputée pour la quantité et la qualité de ses musiciens. Une région qui lui tient à cœur et où elle répond présente aux invitations des écoles où ses ex-collègues de classe font appel à elle pour des prestations musicales. Membre du jury lors du Festival de musique du Royaume, c’est à la jeunesse qu’elle pense chaque fois qu’elle lutte contre ce qu’elle surnomme « les monstres de la rentabilité et de l’accessibilité ». Elle dénonce les diffuseurs qui ne font pas confiance à leur propre public, cherchant ce qui se vend facilement aux dépens de la créativité, de l’exploration et de l’originalité.

« Comme tous les musiciens, on a envie de parler à du monde, confie-t-elle à un journaliste du Devoir. Ce n’est pas évident, parce que la tendance est au consensus et aux choses qui rejoignent beaucoup de monde. Cela fait qu’on ne parle pas beaucoup de la musique d’aujourd’hui. Les gens ne peuvent pas la demander s’ils ne savent pas qu’elle existe! Je ne changerai pas. J’ai tendance à choisir ce qui est dans une modernité qui ose. On peut se tromper, il faut accepter l’échec, mais c’est le lot de l’aventure. » Affirmant, avec raison, que c’est la création qui bâtit le patrimoine, elle dit encore : « S’il n’y a pas de création aujourd’hui, il n’y aura pas de patrimoine dans 20 ou 30 ans. » Alors elle s’investit comme on va au combat. Fidèle à sa nature profonde.

Au pourquoi de ce qui la fait telle qu’elle est, la musicienne répond magnifiquement : « Je n’ai pas vraiment l’impression d’avoir choisi. Je suis allée où mes passions me menaient sans jamais me demander si j’arriverais à en vivre… naïvement convaincue qu’aucun obstacle ne m’arrêterait. »


Le 11 juin 2016


LORRAINE VAILLANCOURT


Musicienne, chef d’orchestre exceptionnelle,

fondatrice du Nouvel Ensemble Moderne

pour sa détermination à défendre la musique contemporaine


fut reçue membre de l’Ordre du Bleuet

dimanche 12 juin 2016

LORRAINE VAILLANCOURT HEUREUSE D'ÊTRE REÇUE MEMBRE DE L'ORDRE DU BLEUET

Lorraine Vaillancourt - © Photo Bernard Préfontaine


Plusieurs raisons font que je suis particulièrement heureuse de recevoir cet « Ordre du bleuet ».

Ayant pris connaissance des membres anciens et nouveaux de cet Ordre, je me sens flattée d’être en aussi superbe compagnie.

J’ai beau avoir quitté le Saguenay depuis plus de 50 ans, il reste au cœur de ma mémoire; j’y ai vécu mes 16 premières années…déterminantes…   et j’ai laissé ici non seulement de précieux souvenirs mais aussi des amitiés vibrantes!

Et c’est à Jonquière que j’ai aiguisé ma passion pour la musique, au sein de ma famille mais aussi dans la maison de Mme Pierrette Gaudreault, bien avant que n’existe le Centre culturel. De me retrouver dans une salle qui porte son nom me rappelle tout ce que je lui dois. C’est une sorte de lieu mythique!

Et puis pour la petite histoire, mon père fut, entre autres, un cueilleur de bleuets émérite, à la tête d’une fière équipe, dont ma mère, à Mistassini et aux alentours.

Mon seul regret est de ne pas avoir pu partager cette soirée avec eux.

Merci à celles et ceux qui ont pensé à moi pour cette reconnaissance.





Lorraine Vaillancourt



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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.